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  • : Aborder les domaines de la physique enseignés en Math Sup. Donner sa place à des promenades littéraires. Rêver et sourire aussi (parfois même avant tout), parce que c'est tout bonnement bon et nécessaire :-)
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Bertran de Born

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7 octobre 2006 6 07 /10 /octobre /2006 11:00

 « Maints actes attribués à la force de l'habitude reposent plutôt sur la constance et l'immuabilité du caractère originel et inné ; en vertu de ces conditions, dans les circonstances analogues nous faisons toujours la même chose, qui se produit par conséquent avec la même nécessité la première fois que la centième.
La véritable force de l'habitude, au contraire, repose sur l'indolence, qui veut épargner à l'intellect et à la volonté le travail, la difficulté, et aussi le danger d'un choix immédiat, et qui nous fait en conséquence faire aujourd'hui ce que nous avons déjà fait hier et cent fois, en sachant que l'on atteint ainsi son but.» 
Arthur Schopenhauer, Parerga & Paralipomena, II.26, §307.

Un autre problème s'ajoute lorsque cette force de l'habitude ne suffit plus à atteindre son but, tout simplement parce que le but a changé de nature.
Pratiquement pour nous : si le but est d'aborder et de résoudre un problème de physique (ou de chimie, ou de maths ;-)), il est illusoire de penser l'atteindre par le seul moyen d'une ou deux formules apprises la veille et plus ou moins retenues.
Cette habitude — qui était peut-être la vôtre et qui a porté, en son temps, ses fruits — est promise, dans un avenir très proche, à devenir un arbre stérile
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 «  Mais la vérité de ce fait a des racines plus profondes ; car on peut l'expliquer d'une façon plus précise qu'il n'apparaît au premier aspect. La force d'inertie appliquée aux corps qui ne peuvent être mus que par des moyens mécaniques, devient force d'habitude quand elle est appliquée aux corps qui sont mus par des motifs. »
Arthur Schopenhauer, Ibid.

Vous commencez à comprendre pourquoi cette citation a attirée mon attention ;-) — par force d'inertie, comme la suite le montre, Schopenhauer entend principe d'inertie : tout corps isolé ou pseudo-isolé est animé d'une mouvement rectiligne uniforme dans un référentiel galiléen sinon il demeure au repos (or, l'origine de ce mouvement est l'application d'une force à un instant origine donné).
 « Les actions que nous accomplissons par pure habitude s'effectuent en réalité sans motif individuel, isolé, spécialement propre à ce cas ; aussi ne pensons-nous pas en réalité à elles. Ce sont seulement les premières actions, passées en habitude, qui ont eu un motif ; le contre-effet secondaire de ce motif est l'habitude actuelle, qui suffit à permettre à l'action de continuer. C'est ainsi qu'un corps, mis en mouvement par une poussée, n'a pas besoin d'une nouvelle poussée pour poursuivre son mouvement ; si rien n'arrête celui-ci, il se poursuivra à jamais [= principe d'inertie]. La même règle s'applique aux animaux : leur dressage est une habitude imposée.
Le cheval traîne tranquillement sa voiture, sans y être contraint ; ce mouvement qu'il exécute est l'effet des coups de fouet qui l'y forcèrent au début ; cet effet s'est perpétué sous forme d'habitude, conformément à la loi de l'inertie.» 
Arthur Schopenhauer, Ibid.

Où il apparaît qu'il n'y a pas que de mauvaises habitudes mais qu'on ne doit laisser ces dernières que pour en suivre d'autres, meilleures !
L'indolence n'est donc pas un mal absolu comme le montre l'exemple du cheval.
D'où le paradoxe : Il faut être paresseux (indolent) pour travailler régulièrement (si vous me permettez ce pléonasme), alors qu'il faut une force de caractère exceptionnelle pour fournir, en peu de temps, le même travail. Or si la force de caractère développe une fantastique puissance (au sens physique du terme), le travail fourni demeure un travail de moins bonne qualité car inaccompli dans la durée.
Enfants, nous avions compris cela ; aujourd'hui nous devons le mettre en pratique ! Et ce n'est pas vous faire injure que de vous renvoyer à La fable du lièvre et de la tortue, Jean de La Fontaine écrivant en peu de mots et bien plus joliment que ma pomme (la relire avec ses notes et dans le contexte de ce billet devrait vous réserver quelques surprises).

Or, la tortue de La Fontaine, c'est le cheval de Schopenhauer !
Ce cheval n'est rien moins que notre volonté mis en mouvement par les coups de fouets de la raison qui choisit le but et les motifs. Comme je n'ai absolument pas l'esprit sadomasochiste, et pour éviter tout mauvais sous-entendu, je vous rappelle que nous avons déjà rencontré, chez Descartes, une image semblable, avec le même cheval (ou son frère, l'esprit ;-)) guidé par des brides plus ou moins relâchées de cette même raison.

Prenez donc au sérieux l'image car...

 «  Tout ceci est réellement plus qu'une simple comparaison. C'est déjà l'identité de la volonté à des degrés très différents de son objectivation, en vertu desquels la même loi du mouvement prend des formes si différentes. »
Arthur Schopenhauer, Parerga & Paralipomena, II.26, §307.


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