Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : PCSI : un autre regard
  • : Aborder les domaines de la physique enseignés en Math Sup. Donner sa place à des promenades littéraires. Rêver et sourire aussi (parfois même avant tout), parce que c'est tout bonnement bon et nécessaire :-)
  • Contact

Bertran de Born

Archives

2 décembre 2007 7 02 /12 /décembre /2007 12:11

« Le ciel agit sans nous en ces événements,
et ne les règle point dessus nos sentiments. »
(Corneille, Horace, v. 861-862,
Ac. III, sc. 3, Camille)



Ingres, Jupiter et Thétis (1811)
Musée Granet, Aix-Provence

« Le traité de paix de Presbourg est signé le 26 décembre 1805. Napoléon fabrique deux rois, l'électeur de Bavière et l'électeur de Wurtemberg. Les républiques que Bonaparte avait créées, il les dévorait pour les transformer en monarchies ; et, contradictoirement à ce système, le 27 décembre 1805, au château de Schoenbrünn, il déclare que la dynastie de Naples a cessé de régner ; mais c'était pour la remplacer par la sienne : à sa voix, les rois entraient ou sautaient par les fenêtres. Les desseins de la Providence ne s'accomplissaient pas moins avec ceux de Napoléon : on voit marcher à la fois Dieu et l'homme. Bonaparte après sa victoire ordonne de bâtir le pont d'Austerlitz à Paris, et le ciel ordonne à Alexandre d'y passer. »
(Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe,
t. I, Livre 20, chap. 5)

« Parallèlement à la vision providentialiste de l’histoire apparaît peu à peu l’idée opposée que les hommes sont les auteurs de l’histoire, dont le cours peut dès lors se comprendre à l’aulne de réalités humaines telles que la raison ou la liberté. Cette thèse selon laquelle les hommes peuvent faire l’histoire, nous la baptisons (…) le principe de faisabilité de l’histoire. On voit poindre une telle idée chez Machiavel, au chapitre XXV du Prince, où il s’inscrit en faux contre le préjugé de son époque, qui attribue le gouvernement des événements à Dieu ou à la fortune, c’est-à-dire à ce qui ne dépend pas des hommes (…). (…) Cette conception nouvelle de l’histoire, qui accorde une place à l’action des hommes, est précisée et affirmée avec force par [Giambattista] Vico [1668-1744] près de deux siècles plus tard dans la Science nouvelle de 1725. le monde historique se distingue de la nature en ce qu’il est l’œuvre non pas de Dieu, mais des hommes, et il peut donc, à ce titre, être mieux connu :
“Et quiconque y réfléchit ne peut que s’étonner de voir comment tous les philosophes ont appliqué leurs efforts à parvenir à la [17] connaissance du monde naturel, dont Dieu seul, parce qu’il l’a fait, a la science, et comment ils ont négligé de méditer sur le monde des nations, ou monde civil, dont les hommes, parce que ce sont les hommes qui l’ont fait, peuvent acquérir la science.”

[Principi di une Scienza nuova intorno alla natura delle nazione, 1744, forme définitive d’un texte initialement publié en 1725 et fortement remanié en 1733]
Vico ne se contente pas de dire, comme Machiavel, que les hommes peuvent influencer le cours des choses, il affirme que la réalité sociale et historique est faite par eux. La thèse que les hommes peuvent connaître le monde civil des nations et son histoire parce qu’ils en sont les auteurs s’accorde chez Vico avec les croyance en la Providence, qui fait selon lui partie de la nature humaine. La science nouvelle se donne pour tâche de faire l’histoire des lois que la Providence a données au genre humain, et par lesquelles Dieu administre le cours du monde avec justice. Les hommes font leur histoire, mais dans le cadre de lois générales qu’ils n’ont pas choisies, tel le principe de cyclicité qui entraîne régulièrement des retours en arrière ou des rechutes dans la barbarie. La pensée de Vico va donner naissance à ce que nous appellerons la conception pratique de l’histoire [“au sens large [d’]une histoire possible par liberté”], qui affirme que les hommes sont les auteurs de l’histoire, qu’ils peuvent ainsi connaître. La voie est ouverte pour les philosophes rationalistes de l’histoire, fondées sur les notions de liberté, de progrès, de raison ou de perfectibilité, qui se sont développées à partir de l’époque des Lumières. »
(Christophe Bouton, Le procès de l’histoire, fondement et postérité de l’idéalisme historique de Hegel, Paris, Vrin, 2004, p. 16-17)

"A partir de l'époque des Lumières"... et ce, jusqu’à Marx :
« Comme dit Vico, l’histoire de l’homme se distingue de l’histoire de la nature en ce que nous avons fait celle-là et non celle-ci »
(Marx, Le Capital,
Livre I, section 4, chapitre XV, 4ème note du §I)


Partager cet article
Repost0
1 décembre 2007 6 01 /12 /décembre /2007 23:22
Pourquoi une telle fixation sur l'image du violon chez Dumas, Léonard de Vinci, Raphaël, David ou Ingres ?
C'est Alain qui nous donne la réponse en plaçant dans la bouche du médecin qui s’interroge sur l'homme le commentaire suivant :
« "L'homme n'est-il pas comme le violon, grinçant ou sublime selon l'archet ? Dix ans à grincer, par une malencontreuse attaque, et soudainement sublime comme s'il n'avait jamais grincé ; d'ailleurs toujours content" »
(Alain, Esquisses de l’homme, 1927, 1938,
XXXII, « La comédie humaine », 14 décembre 1935)

Alain écrira un nombre incalculable de variations sur le violon comme métaphore de la nature humaine qui nécessite d'être formée et travaillée inlassablement par l'homme conscient de sa responsabilité d'être... homme.


(Henri Matisse, Intérieur au violon, entre 1917 et 1918)


Et je ne pouvais faire
autrement que citer dans cette catégorie consacrée à la marche intellectuelle la description alinienne de la marche forcée du violoniste :
« Un violoniste célèbre, aujourd'hui retiré, et qui eut, entre beaucoup de signes éminents, le privilège de donner toujours la note juste, revenait d'Italie, où il s'était donné des vacances. Aux questions d'usage, s'il se portait bien, s'il était reposé et content, je l'entendis répondre de son air tranquille : « Cela va bien, merci. Je joue faux. »


(Henri Matisse, entre 1917 et 1918)

Ce mot me rappela les sévères leçons de mon maître d'escrime, qui, dans un art non moins difficile, avait saisi aussi les derniers secrets ; mais sa science elle-même le conservait en modestie. « Si je demeure, disait-il, quelques jours seulement sans travailler, c'est comme un voile qui descend devant mes yeux, je puis ferrailler encore, et même toucher par aventure ; je devine, mais je ne vois plus. Si je reprends le travail d'âne, comme d'un enfant qui épèle, alors peu à peu le voile se lève, et je vois tout ce qui arrive de l'autre et tout ce qu'il faut faire, si vite que les épées tournent, aussi clair que je vous vois. » Les vrais artistes sont guéris de vanité, et bien vite, car un éloge non mérité irrite plutôt. Mais il faut qu'ils soient guéris aussi de l'orgueil c'est le second moment de la puissance. Quelle est la différence entre orgueil et vanité ? En ceci que le vaniteux se contente de signes menteurs, comme si on loue un auteur pour ce qu'il a copié d'un autre ; au lieu que l'orgueilleux se réjouit d'une puissance réelle, qui a donné ses preuves ou qui a fait ses oeuvres. Et l'orgueil est toujours creux en ceci qu'il croit que la puissance, une fois qu'elle est acquise, se conserve d'elle-même. Par exemple un homme est vaniteux s'il porte avec plaisir les insignes du courage sans les avoir mérités ; un homme est orgueilleux s'il s'établit dans son courage cent fois prouvé comme dans un bien, considérant toujours ses actions passées, et voulant qu'elles suffisent. Et elles suffisent aux yeux des autres, qui attendent le courage de lui comme l'eau d'une source ; mais lui, après tant d'actions, il se retrouve toujours dépouillé et nu comme au jour de sa naissance, ayant de plus, comme charge et fonction, d'être désormais au-dessus de l'homme. Or cela lui est aussi difficile qu'au premier jour, et quelquefois plus difficile, par son expérience même. Un savant aussi est comme dépouillé de sa science passée. S'il s'en habille, le voilà d'orgueil rejeté en vanité. L'infatuation d'un homme instruit, loué, célébré partout, est une des sources de la sottise sans mesure. On pourrait dire que la vanité est la punition de l'orgueil. Dès qu'il se redresse et se trouve assuré de faire mieux qu'un autre, il est aussitôt au niveau le plus bas. Tous les hommes qui ont travaillé avec suite ont ce sentiment que rien n'est jamais acquis, et que tout doit être conquis et reconquis. Un vieux sage, et qui avait droit au repos, disait, comme on traitait de choses difficiles : « Autrefois j'ai compris cela. » Les artistes, encore plus que d'autres, sont soumis à cette grande loi. Car il n'est pas vrai, et il n'est même pas vraisemblable, qu'une oeuvre faite rende plus facile l’œuvre à faire. Il faudrait donc se copier soi-même ; et il n'est point un signe de décadence qui soit plus clair que celui-là, pour l'artiste et aussi pour les autres. C'est par ce sentiment triste que le talent descend aussitôt à la manière. C'est pourquoi le moindre succès veut être vaincu par un redoublement de travail.


(Henri Matisse, Violoniste à la fenêtre, 1918
Centre George Pompidou)

Beethoven, sur la fin de sa carrière, savait encore se remettre au métier, écrivant des harmonies modernes sous d'anciennes chansons ; ainsi il refit son génie, et devint capable, par cette imitation écolière, d'inventer encore. Les oeuvres faites servent alors de points de comparaison, et nous somment de les dépasser. La gloire n'est donc pas garantie ; et la gloire est une épreuve redoutable ; l'esprit n'en jouit qu'au commencement ; ensuite il en a la charge, et s'il ne la sent pas, cela est signe qu'il descend. C'est une marche forcée qu'il faut reprendre tous les matins. »
(Alain, Esquisses de l’homme, 1927, 1938,
LXII, « Orgueil et vanité », 9 septembre 1921)

.
Partager cet article
Repost0
30 novembre 2007 5 30 /11 /novembre /2007 19:21
icon_pdf  Voici 5 exercices et quatre corrigés.

Bon travail ! ;-)



Partager cet article
Repost0
29 novembre 2007 4 29 /11 /novembre /2007 22:48
Ce billet ne listera rien de trop nouveau par rapport au précédent (à vous de vous y référer) sinon que je soulignerai, encore une fois, combien la notion d'oscillateur harmonique est fondamentale en physique, et donc dans le programme des concours.
Ne la négligez surtout pas.

==> bien travailler le cours M4, à commencer par la méthode d'obtention de l'équation différentielle de l'oscillateur harmonique (amorti ou pas) décrite dès le M4/I.1.a) avec l'exemple du ressort vertical :

* Dans une telle situation, on obtient une équation (1) en écrivant le PFD hors équilibre
* cette même équation conduit à une équation (2) pour traduire le cas particulier de l'équilibre du système dans le référentiel considéré
* (1)-(2) fait apparaître l'équation différentielle vérifiée par la variable qui représente écart par rapport à la position d'équilibre.

==> Exercice d'application : EXM4.2 et EXM4.3

==> Les considérations énergétiques (M4/I.4) et l'utilisation du portrait de phase  (M4/I.5) sont très importantes : il faut savoir les utiliser.

==> Exercices d'application qu'il faut avoir vus : EXM4.4 et EXM4.5

==> Il est désormais capital de connaître la méthode de résolution des équations différentielles d'ordre 1 et d'ordre 2 (en l'occurence, pour l'Oscillateur Harmonique, il s'agit d'une équation d'ordre 2 : cf. M4/II, p. 7)

Voici maintenant trois semaines que vous savez que la mécanique de l'oscillateur harmonique est à nouveau au programme du devoir surveillé (jusqu'à la moitié du barème...) qui aura lieu vendredi prochain.

Je suis heureux de constater que vous n'avez aucune questions à ce sujet de même que vous n'avez pas eu besoin d'une correction détaillée du DL6 qui portait sur ce même sujet.
Pour ceux qui, malgré tout, auraient rencontré des questions dans leurs révisions personnelles, je rappelle qu'il n'est pas trop tard pour les poser (ici ou en classe).
Et si ces mêmes personnes ont envie d'approfondir et de maîtriser leur cour, elles trouveront ici le
Devoir Libre n°6, avec son corrigé : .


Bon courage et bon travail à tous !
Partager cet article
Repost0
29 novembre 2007 4 29 /11 /novembre /2007 15:04


Raphaël, Le Parnasse (1509-1510),
détail (Apollon joue du violon entouré des Muses)
(Stanza della Segnatura, Palazzi Pontifici, Vatican)


« La vie de David était toute de labeur. Il aimait l’odeur de la lampe. Minuit le surprenait souvent remuant les débris du monde ancien. Il se levait presque toujours avec le soleil, et s’enfermait dans son atelier sans permettre aux oisifs d’y perdre leur temps. Il y en a qui aiment la vie à deux, il aimait la vie à un.
J’oubliais : il avait un ami. Léonard de Vinci, le maître des maîtres, aimait son violon comme sa palette. Apollon n’eût pas tenu l’archet avec plus de grâce et plus d’inspiration. Ce violon était le chef-d’œuvre de Gaspar Duiffoprugar, le célèbre luthier au nom barbare. Benvenuto Cellini y avait ajouté un manche d’argent ciselé dans ses meilleurs jours, et Raphaël, dans [351] le Parnasse du Vatican, le seul Parnasse habitable pour les dieux et pour les poëtes, représenta Apollon jouant du violon. — Avec le violon de Léonard de Vinci. — Hoffmann a compris l’âme du violon comme le vieux maître de l’école de Florence quand il a écrit les joies douloureuses de Krespel. David l’a compris aussi, et son ami, c’était son violon, — ami sérieux, qu’il n’a jamais permis de railler, — ami de tous les instants, confident de toutes les joies et de toutes les douleurs »
(Arsène Houssaye, Histoire de l’art français au dix-huitième siècle, Paris, 1860, p. 350-351)

On se souviendra qu’Alexandre Dumas utilisait, pour décrire son rapport au travail, des termes identiques à ceux qu’emploie Arsène Houssaye pour décrire le lien qui unissait David à son violon.

Notez d’ailleurs comment le travail (le « labeur ») de David est, par un jeu de références en cascade,  mis en rapport avec l’image d’« Apollon jouant du violon ». Le violon devient la métaphore du travail (qui est art) et de l’art (qui est travail) donnés par les dieux aux hommes pour les aider à réaliser leur condition d’homme en réglant une vie faite de joies et de douleurs.



Primatice (d’après)
Apollon et les Muses au Parnasse
(détail)
Décor de la salle de bal, château de Fontainebleau


Partager cet article
Repost0
29 novembre 2007 4 29 /11 /novembre /2007 13:33
Le TD de la semaine est à télécharger ici : 2 énoncés et leurs corrigés :



Bon travail !
Partager cet article
Repost0
28 novembre 2007 3 28 /11 /novembre /2007 15:04



« Né à Montauban en 1781, d’un brave et digne professeur de dessin originaire de Toulouse, Jean Auguste Ingres avait manifesté de bonne heure un goût décidé pour la peinture. Son père s’était mis en tête d’en faire un musicien [attitude identique à celle de la mère d'Alexandre Dumas !... mais cette fois, l'enfant, tout en conservant ses ambitions, se comportera différemment face à la contrainte parternelle, la dépassera et la transformera en élévation personnelle : ]. Le jeune Ingres apprit à jouer du violon, en se réservant, à parti lui, le droit de devenir un grand peintre. Aujourd’hui, le directeur de notre académie, à Rome, n’a pas oublié son violon ; et dans les concerts de la villa Medici, il fait sa partie avec une véritable supériorité. Son coup d’archet vaut, dit-on, cent fois les poésies de Girodet ; j’ai même entendu un de ses amis le placer comme violoniste tout juste après Baillot ; à la vérité, c’était un ami [... ;-)]. »
(Louis de Loménie, Galerie des contemporains illustres,
Bruxelles, 1841, p. 182
)



Niccolo Paganini (1782-1840)
par Ingres, en 1819.



Vous aurez remarqué que l’année d’édition de ce livre correspond à la période tumultueuse de l’histoire de France traitée dans l'essai de Karl Marx que vous étudiez. Or, par une heureuse coïncidence, la préface de ce livre est un court texte de Chateaubriand, second auteur à votre programme. Je recopie la dernière phrase de la lettre qu’il adresse à Louis de Loménie en guise de préface parce qu’elle donne un éclairage intéressant des années commentées par Marx :

« Désormais hors du monde, retiré à mon foyer, entre les deux pénates de la France, l’honneur et la liberté, je les prie d’épargner pour toujours à notre pays la honte même avec le repos, le despotisme même avec la gloire. »
(Chateaubriand, Ibid., Préface)



Jean-Auguste Dominique Ingres (1780-1867) : Le flûtiste

(Musée Ingres, Montauban. Cliché Roumagnac)




Partager cet article
Repost0
24 novembre 2007 6 24 /11 /novembre /2007 15:04
On ne lit plus beaucoup Alexandre Dumas. Et lorsqu'on pense à lui, c'est pour immédiatement imaginer les trois Mousquetaires et D'Artagnan.  Or, en préparant quelques billets à venir, j'ai découvert ses mémoires.
Le ton est parfois pompeux et les commentaires adressés au lecteur en forme de sermons peuvent prêter à sourire ; mais au-delà de la forme, écoutez ce qui est dit et dont nous pouvons encore apprendre avec profit :

« Ma sœur était assez bonne musicienne et chantait agréablement. Ma mère, malgré notre état de gêne, se fût reproché de faire pour un de ses enfants ce qu'elle ne faisait pas pour l'autre ; elle décida donc que, moi aussi, je deviendrais musicien ; mais, comme il avait été déjà reconnu que, dans sa prodigalité envers moi, cette bonne mère qu'on appelle la nature m'avait doué de la voix la plus fausse qu'il y eût au monde, comme, au contraire, on avait remarqué que j'avais les doigts très agiles et la main très adroite, on se décida à faire de moi un simple instrumentiste, et l'on me choisit le violon, [On devine la suite ; et c'est l'occasion de rappeler qu'on ne devrait pas travailler pour faire plaisir au parents, malgré tout le bien qu'ils nous veulent, ou par esprit de rivalité entre frère(s) et(ou) soeur(s) ; pas seulement en tout cas, et certainement pas par-dessus tout autre motivation] (…).
Il n'y avait pas de choix à faire parmi les professeurs de Villers-Cotterêts : la ville n'en possédait qu'un seul.
Il se nommait Hiraux.
Hiraux mériterait un chapitre à part, et même plutôt deux chapitres qu'un seul.
(…)
Hiraux avait, sous ce bonnet, une des figures maigres et parcheminées les plus spirituelles et les plus grimaçantes que j'aie jamais vues, grâce au jeu de chacun de ses muscles, qui semblaient vibrer pour exprimer sa pensée, ainsi que vibraient les cordes de son violon ou de son piano sous ses doigts longs, agiles et maigres comme ceux de Paganini [remarquez le lien établi entre l'action du corps (vibrations des muscles de la figure) et la pensée, mais aussi la métaphore entre l'homme et le violon].
(…)
Hiraux m'avait tant fait rire dans ma jeunesse, j'aimais tant Hiraux, que, ma sympathie pour le musicien l'emportant sur mon antipathie pour la musique, je me décidai à prendre des leçons de violons [Dans l'application que je voudrais faire de ce texte à notre situation, deux erreurs  doivent être relevées : on ne choisit pas une voie en fonction seulement d'un entourage plus ou moins séduisant ; choisir une voie, c'est avant tout choisir d'approfondir une matière et non de suivre des professeurs
ou des camarades "sympathiques" qui ne nous accompagneront qu'un temps et qui ne pourront jamais produire en nous ce qui ne dépend que de nous (volonté). Or, exercer sa volonté, c'est éviter le piège dans lequel tombe le jeune Dumas qui consiste d'appréhender ce que l'on ne connaît pas (ici, la musique, le violon) sous l'unique angle de l'émotion et donc de l'intérêt/désintérêt qui n'est qu'inclination passagère et capricieuse, ainsi que le montre la suite : ].
Mais j'exigeai que l'on m'achetât un violon à Paris, ceux qui étaient à vendre chez les marchands de bric-à-brac de Villers-Cotterêts ne satisfaisant pas suffisamment mon amour-propre. On en passa par où je voulais : c'était assez l'habitude de ma mère.
Il fut décidé qu'Hiraux, à son prochain voyage à Paris, achèterait un violon, et qu'aussitôt son retour, mon éducation musicale commencerait.
(…)
Des aventures d'Hiraux, je ferais tout un livre, et, si je voulais, un livre bien autrement amusant que beaucoup de livres que je connais.
Mais je me bornerai à la dernière et à la plus triste de ces aventures. C'est qu'au bout de trois ans de leçons chez Hiraux, je ne savais pas mettre mon violon d'accord !
En reconnaissant chez moi pour la musique cette phénoménale antipathie, Hiraux déclara à ma pauvre mère désolée que ce serait lui voler son argent que de tenter plus longtemps de faire de moi un musicien.
Je renonçai donc au violon. »
(Alexandre Dumas, Mes Mémoires, Chap. XXIII)

« En même temps que se développaient [mes] jeunes amours – qui devaient, hélas ! avoir la durée éphémère des amours de seize ans, des amitiés qui devaient durer toute la vie, prenaient racine dans mon coeur.
J'ai déjà parlé d'Adolphe de Leuven (…). Qu'on me permette de dire un mot d'un autre ami à moi, qui devait achever, en m'ouvrant certains horizons, (…).
On le nommait Amédée de la Ponce.
Quel hasard, quel caprice, quel besoin, l'amenait à Villers-Cotterêts ? (…)
Depuis bien longtemps, je vous ai perdu de vue, mon cher de la Ponce ! Quelque part que vous soyez, si vous lisez ces lignes, retrouvez-y le témoignage toujours vivant, toujours réel, de mon éternelle amitié.
Car vous avez fait beaucoup pour moi, mon ami. Vous m'avez dit : « Croyez-moi, mon cher enfant, il y a autre chose dans la vie que le plaisir, que l'amour, que la chasse, que la danse et que les folles aspirations de la jeunesse ! Il y a le travail. Apprenez à travailler... c'est apprendre à être heureux. »
Et vous aviez raison, mon ami. Pourquoi, à part la mort de mon père, la mort de ma mère et la mort du duc d'Orléans, pourquoi n'ai-je jamais eu une douleur que je n'aie fait plier sous moi, un chagrin que je n'aie surmonté ? C'est que vous m'aviez fait faire la connaissance du seul ami qui console le jour, qui console la nuit, que l'on a sans cesse près de soi, accourant au premier soupir, vous versant ce baume à la première larme : vous m'avez fait faire la connaissance du travail. [Je vous avez dit que ce serait pompeux ;-)... mais]
O bon et cher Travail, qui emportes dans tes bras puissants ce lourd fardeau de l'humanité qu'on appelle la douleur ! divinité au visage toujours souriant, à la main toujours ouverte et étendue !... ô bon et cher Travail, toi qui ne m'as jamais donné l'ombre d'une déception !... Travail, je te remercie ! [Il est peu probable que le jeune Dumas aux côtés d'Amédée de la Ponce eût éprouvé une telle reconnaissance alors qu'il produisait ses tout premiers efforts ; c'est Dumas devenu écrivain qui parle ; de même, il vous est impossible actuellement de saisir combien vos efforts actuels vous suivront et façonnent dès maintenant votre chemin. Si vous ne me croyez pas, écoutez Dumas qui vous dit à sa manière que votre travail ne sera jamais un travail inutile]
De la Ponce parlait, comme sa langue maternelle, l'italien et l'allemand. Il offrit de m'apprendre, dans mes moments perdus – et Dieu sait si à cette époque j'avais des moments perdus [là encore, c'est le vieux Dumas qui parle et qui, se retournant sur son passé, découvre comment il aurait pu, bien souvent, mieux gérer son temps et ses occupations ; il ne s'agit pas de se laisser engloutir par le travail sans aucun moment de repos et de délassement : il s'agit de savoir distinguer le temps libre du temps vide, les moments gorgés d'existence des "moments perdus"] –, il offrit de m'apprendre l'allemand et l'italien. »
(Alexandre Dumas, Mes Mémoires, Chap. LIV)

« Alors, pauvre Adolphe, il lui vint peu à peu une singulière idée, c'était de me faire partager, pour mon compte, les espérances qu'il avait conçues pour le sien ; c'était de faire naître en moi le désir de devenir, sinon un Scribe, un Alexandre Duval, un Ancelot, un Jouy, un Arnault ou un Casimir Delavigne – tout au moins un Fulgence, un Mazères ou un Vulpian.
Et, il faut le dire, c'était déjà bien ambitieux ; car, je le répète, je n'avais reçu aucune éducation, je ne savais rien, et ce ne fut que bien tard, en 1833 ou 1834, lors de la publication de mes premières Impressions de voyage, que quelques personnes commencèrent à s'apercevoir que j'avais de l'esprit.
En 1820, je dois l'avouer, je n'en avais pas l'ombre. [Belle confession qui devient pour nous un encouragement : on ne connaîtra jamais l'étendue de nos forces et de nos capacités. Chaque jour est une promesse et un appel à s'éveiller, à faire croître en nous des forces insoupçonnées et encore inexistantes hier. Invitation à jardiner (humilité et patience du jardinier) et invitation à marcher (persévérance et curiosité du "voyageur")... "marcher", le nom de cette catégorie, mais aussi l'image avec laquelle Dumas concluera la naissance de sa vocation]
Huit jours avant le retour d'Adolphe, admettant pour moi cette vie de province à l'horizon restreint et muré, qu'un premier reflet du ciel venait de vivifier, j'avais posé, comme terme à mon ambition, une perception de province, aux appointements de quinze ou dix-huit cents francs, car, être notaire, il n'y fallait pas songer ; d'abord, la vocation me manquait, et, depuis trois ans que je copiais des ventes, des obligations et des contrats de mariage, chez maître Mennesson, je n'étais guère plus fort en droit que je ne l'étais en musique, après trois ans de solfège chez le père Hiraux.
Il était donc évident que le notariat n'était pas plus ma vocation que la musique, et que je ne jouerais jamais mieux du code que du violon.
Cela désolait fort ma mère, à qui toutes ses bonnes amies disaient :
- Ma chère, écoutez bien ce que je vous prédis : votre fils est un grand paresseux, qui ne fera jamais rien.
Et ma mère poussait un soupir, et me disait en m'embrassant :
- Est-ce que c'est vrai, mon pauvre enfant, ce qu'on me dit de toi ?
Et, naïvement, je lui répondais :
- Dame ! je ne sais pas, moi, ma mère !
Que pouvais-je répondre ? Je ne voyais pas au-delà des dernières maisons de ma ville natale, et, si je trouvais dans son enceinte quelque chose qui répondit à mon cœur, j'y cherchais vainement quelque chose qui satisfit mon esprit et mon imagination.
De Leuven fit une brèche à cette muraille qui m'enveloppait ["cette muraille" est moins celle de la "ville natale" que celle de la paresse, ainsi que le suite le montre en dévoilant que le jeune Dumas avait abandonné ses études d'Allemand ; heureusement pour lui, de Leuven et de la Ponce ont maintenu leurs solliscitations], et, à travers cette brèche, je commençai d'apercevoir comme un but sans formes dans un horizon infini.
Pendant ce temps, de la Ponce opérait sur moi de son côté.
(...)
En outre, de la Ponce, qui voulait m'inspirer le regret d'avoir abandonné l'étude de la langue allemande, m'avait traduit la belle ballade de Bürger, Lénore.
La lecture de cette oeuvre, appartenant à une littérature qui m'était complètement inconnue, produisit sur moi une profonde impression [à l'intérêt de surface, fondé sur la seule "sympathie", succède "une profonde impression" qui n'eût jamais existé sans un travail de lecture soutenue dans une langue nouvellement apprise, d'écriture, de réécriture et de recommencement ; constatons également que l'homme ne sait pas ce qu'il va aimer et ce dont il a vitalement besoin avant de se mettre à étudier "une littérature (...) inconnue"] : c'était comme un de ces paysages qu'on voit en rêve, et dans lesquels on n'ose se hasarder à entrer, tant ils vous semblent différents des horizons ordinaires. Ce terrible refrain, que répète sans cesse, à la fiancée qu'il emporte frémissante sur son cheval-spectre, le cavalier funèbre : « Hourra ! - fantôme, les morts vont vite ? » ressemblait si peu aux concetti de Demoustier, aux rimes amoureuses de Parny ou aux élégies du chevalier Bertin, que ce fut toute une révolution qui se fit dans mon esprit quand je commençai de lire la sombre ballade allemande.
Dès le même soir, j'essayai de la mettre en vers ; mais, comme on comprend bien, la tâche était au-dessus de mes forces. J'y brisai les premiers élans de ma pauvre muse, et je commençai ma carrière littéraire comme j'avais commencé ma carrière amoureuse, par une défaite d'autant plus terrible qu'elle était secrète, mais incontestable à mes propres yeux. [Honnêteté là encore : se remettre en cause, ne pas se mentir]
N'importe [Belle expression, et bel esprit qu'elle traduit : apprendre de ses erreurs, apprendre et grandir, savoir que rien n'est acquis, que tout est à faire, et que tout ce qui doit grandir grandira, du moment que je veux grandir], ce n'en étaient pas moins les premiers pas essayés vers l'avenir que Dieu me destinait, pas inexpérimentés et chancelants comme ceux de l'enfant qui commence à marcher, qui trébuche et tombe dès qu'il s'arrache aux lisières de sa nourrice, mais qui, tout en se relevant, endolori de chaque chute, continue d'avancer, poussé par l'espérance, dont la voix lui dit tout bas : “Marche ! marche, enfant ! c'est par la douleur qu'on devient homme [Alexandre, on se calme : ne confonds pas l'effort et la douleur, l'apprentissage de l'humilité que l'étudiant impose à son âme et l'humiliation que subit l'esclave qui n'a rien choisi], c'est par la constance qu'on devient grand !” »
(Alexandre Dumas, Mes Mémoires, Chap. LIX)

.
Partager cet article
Repost0
22 novembre 2007 4 22 /11 /novembre /2007 13:37
Le TD de la semaine est à télécharger ici : 3 énoncés suivis des 3 corrigés :



Bon travail !
Partager cet article
Repost0
15 novembre 2007 4 15 /11 /novembre /2007 13:35
Le TD de la semaine est à télécharger ici : 3 énoncés suivis des 3 corrigés :

Quant au Devoir Libre n°7, avec son corrigé, il est également disponible :

Bon travail !
Partager cet article
Repost0