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  • : PCSI : un autre regard
  • : Aborder les domaines de la physique enseignés en Math Sup. Donner sa place à des promenades littéraires. Rêver et sourire aussi (parfois même avant tout), parce que c'est tout bonnement bon et nécessaire :-)
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Bertran de Born

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29 août 2006 2 29 /08 /août /2006 23:54

La même année où Albert Jacquard évoquait la nécessité de l'activité imaginative dans la démarche scientifique, Etienne Klein faisait de même dans le 13e chapitre de son premier livre — chapitre intitulé Du rôle de l'imagination ou le paradoxe vu d'ailleurs et qui va permettre, en ces jours qui précèdent la rentrée, de clarifier le sujet qui va nous accompagner tout au long des deux ans à venir :

« (…) contrairement à un cliché tenace qui veut que la création scientifique, surtout en mathématique et en physique théorique, soit l’aboutissement d’une démarche purement logique, il apparaît en réalité que ce réengendrement a rarement lieu à l’intérieur même de l’esprit strictement scientifique. Les automatismes de la science ne contrôlent pas complètement son déroulement. La théorie féconde n’est pas un résultat qui surgirait de la linéarité de la déduction. Par exemple, on ne peut pas décemment se convaincre que la théorie newtonienne de la gravitation a émergé directement du simple spectacle de la chute libre d’un fruit mûr. L’unification qu’elle fait des lois de la chute des corps (Galilée) et de celles du mouvement des planètes (Kepler) n’est pas une retombée directe de la pomme tombant au coin d’un verger. Il faut plus que ce spectacle somme toute banal pour faire jaillir l’idée que la Lune et les fruits sont soumis aux mêmes lois, qu’ils sont également attirés par la Terre, et expliquer que si la Lune a une trajectoire qui ne touche jamais la Terre, c’est parce qu’elle possède une vitesse transverse nettement supérieure à celle des pommes, ce qui est loin d’être évident a l’œil nu.
Newton n’est certes pas le premier homme à avoir vu la Lune graviter et une pomme tomber. Mais il est le premier à avoir corrélé leurs comportements en montrant qu’ils sont semblables, ce qui le rend digne de tous les éloges. “Il fallait être Newton pour apercevoir que la Lune tombe sur la Terre, quand chacun voit qu’elle ne tombe pas”, écrivait Valéry dans ses cahiers.(1) »
Étienne Klein, Conversations avec le Sphinx, Les paradoxes en physique,
Paris, Albin Michel, 1991, 242 p., p. 123-124.


Après avoir choisi ce passage, en revenant aux premières pages, j'ai la surprise de découvrir la dédicace suivante :

 

Ce livre est dédié
à Don Quichotte,
à Raymond Devos,
à Richard Feynman,
à tous ceux qui dans l'étrange
osent affronter le réel
et vice versa.


Décidément, ce un blog placé sous le regard vif, amusé et séducteur de Feynman ce blog qui se veut pont entre science et littérature en cette 401e année où Cervantès sera roi ne pouvait trouver plus belle ouverture :-)




(1) Paul Valéry, Mélange, dans Œuvre t.1, La Pléiade,
p.384.

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27 août 2006 7 27 /08 /août /2006 20:17

Un blog.

Commencer un blog pour mes élèves. Une idée qui me trottait par la tête depuis un an sans qu'elle fût bien précise. Aujourd'hui, le désir est toujours là et l'occasion du nouveau thème Français-Philo (« les Puissances de l'imagination ») est trop belle pour ne pas être saisie.

« Encore un autre blog ! » diront certains. Ils auront raison. Mais après tout, personne n'est obligé de lire, n'est-ce pas ?

Pour les autres, il voudrait assurer une autre forme de dialogue entre un professeur et ses élèves,  prolonger les pistes trop rarement explorées ou superficiellement abordées en classe, faute de temps et non de volonté.

Parcourir de nouvelles contrées, en apparence moins efficaces et plus poétiques (mais l'on sait combien les apparences sont trompeuses) se poser, se re-poser, mettre un peu d'esprit dans les équations et mieux comprendre les esprits qui les ont conçues.


Le billet du commencement.

Commencer oui... mais comment ? Le premier billet, il faut une idée, une idée qui rassemble les idées qui lui ont donné naissance.

Certainement un autre m'aura précédé et aura tout écrit de ce que je voudrais dire en introduction, de meilleure manière.

Je le trouve, cet autre, et je souris car je ne découvre ce texte qu'après avoir laborieusement confectionné la bannière-mosaïque de ce blog ;-) 

« L’outil de notre connaissance est avant tout notre cerveau. Les sens sont nécessaires pour nous apporter des informations sur la réalité qui nous entoure, mais ces informations sont chaotiques, semblables à un amas désordonné de petits carreaux de toutes formes et de toutes couleurs. Notre cerveau les arrange en une mosaïque organisée, où il s’efforce de donner place et signification à tous les éléments reçus en vrac. Pour y parvenir, il invente des outils abstraits capables de transformer un amoncellement en structure : les concepts. Tous les mots que nous utilisons pour décrire le monde : force, vitesse, durée, champ, particule… sont des inventions humaines qui permettent de construire en nous un modèle plus ou moins fidèle de l’univers qui nous entoure, de faire naître, en un processus sans fin de co-naissance, une image proprement humaine du monde. Au départ, nous nous sommes contentés des informations que l’univers nous envoie spontanément ; peu à peu, nous avons pris l’initiative, nous l’avons questionné, nous l’avons même parfois mis à la question pour le forcer à nous avouer quelques secrets bien cachés au cœur de galaxies lointaines ou d’inaccessibles noyaux atomiques.
La mosaïque
n’est jamais terminée. De nouveaux éléments nous parviennent, il faut les y intégrer. Parfois, ils trouvent tout naturellement leur place dans l’ébauche déjà réalisée. Parfois, au contraire, ils nous contraignent à reprendre tout l’ouvrage. 
(...) Pour le scientifique, ce sont là les instants les plus passionnants ; il comprend qu’il ne comprend plus ; il lui faut faire preuve d’imagination. Il est un chasseur heureux, celui qui est sur une nouvelle piste mais n’a pas encore attrapé la proie. »
Albert Jacquard, Voici le temps du monde fini,
Paris, Seuil, 1991, p. 15-16.

 
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